Lettre pastorale 2020

Chers frères et sœurs,

 

L’année 2019 semble à première vue, avoir été un grand cru de paix et de joie partagée dans la République. L’enthousiasme suscité par les jeux des Iles grâce à la brillante victoire de nos athlètes nous a donné confiance dans le potentiel de notre jeunesse.  La visite du Pape François venu comme pèlerin de la paix et l’accueil si chaleureux que lui a réservé l’ensemble des Mauriciens nous ont confirmés dans notre réussite de l’Ile Maurice arc-en-ciel. Le lancement du métro express ainsi que l’augmentation de la pension de vieillesse et de meilleures conditions de travail ont aussi été reçus par beaucoup comme un ballon d’oxygène. 

 

Et cependant, beaucoup parmi nous ressentent comme une certaine inquiétude. Au moment où l’on s’attend à un certain ralentissement de l’économie au niveau mondial, notre situation économique est marquée par un endettement si important que certains experts craignent une dépréciation de la roupie. La contestation des résultats des élections, d’une ampleur jamais connue jusqu’ici, crée une certaine instabilité et nous prive de la sérénité nécessaire pour un bon fonctionnement de notre démocratie. Dans la société, une violence diffuse se manifeste par une recrudescence de meurtres et de violences dans le cercle familial, en particulier envers les enfants. Le trafic de la drogue s’étend. Les gros trafiquants encouragent l’émergence de petits trafiquants qui gagnent leur vie en détruisant un nombre grandissant de jeunes. Leurs familles sont submergées par la souffrance. Sur nos routes règne une indiscipline notoire et des accidents mortels se multiplient. Dans le monde du travail des fermetures d’usines et des licenciements menacent la stabilité de l’emploi. Le logement social toujours insuffisant entraîne une multiplication de squatters, ainsi qu’un entassement et une promiscuité dans des logements de fortune. Tout cela est loin d’entretenir au quotidien l’ambiance de paix dont les enfants, les jeunes et les familles ont besoin pour s’épanouir ; et dont notre pays a besoin pour réussir.

 

Et pourtant notre pays est capable de paix. Cette conjoncture paradoxale où cohabitent une paix réelle et des faits de violences ressemble au lagon calme où se cachent parfois des lames de fonds qui constituent le vrai danger. Quelles sont les racines de ces manifestations de violence ? On parle en médecine de certaines maladies, par exemple, le diabète ou l’hypertension, comme des « silent killers ». Elles sont bel et bien là dans notre corps ; elles se cachent et pendant longtemps ne nous font pas souffrir. Mais quand elles se révèlent, il est souvent trop tard : les remèdes sont inefficaces à cause de l’avancée de la maladie. Si nous l’avions découvert avant, la guérison aurait été plus facile.

 

Ainsi en va-t-il de certaines violences souterraines qui empêchent la vraie paix. Il semblerait que nous avons tellement intégré ces violences qu’elles nous ont rendus aveugles. On s’y est habitué. Pour guérir les maladies du corps, il ne suffit pas de gérer superficiellement les symptômes ; de même gérer les manifestations extérieures de violences ne suffit pas pour apporter la paix. Il faut s’attaquer à leurs causes plus profondes, à ce qu’on pourrait appeler les violences structurelles.

 

En effet, malgré une amélioration réelle du niveau de vie d’une majorité de Mauriciens, malgré toutes les facilités offertes par exemple pour un plus grand accès à l’éducation, aux services de santé, au transport gratuit, etc., nous sentons que cette paix sociale, que nous chérissons tous, est fragile, qu’elle est même menacée. C’est pourquoi je voudrais inviter mes compatriotes à prendre conscience de cette fragilité et de cette menace et à s’engager ensemble sur le grand chantier de la construction d’une paix durable pour notre pays. C’est de cette paix dont parlait Le Premier Ministre dans son discours devant le Pape François au Réduit le 9 septembre dernier : « nous savons que les disparités économiques, sociales et culturelles trop grandes entre peuples provoquent tensions et discordes et mettent la paix en péril. Je crois fermement que la paix ne se réduit pas à une absence de guerre. Elle se construit jour après jour dans la poursuite d’une justice parfaite entre les êtres humains. La paix durable pour notre pays arc-en-ciel est primordiale ».

 

Quelles sont les formes de violence qui menacent la paix sociale ?  Comment pouvons-nous réagir chacun à notre niveau ? De quelles ressources disposons-nous pour apporter notre pierre à la construction de la paix ? 

 

 

 

 

 


 

Chapitre 1 : Violences sourdes qui menacent la paix sociale

 

Les violences cachées du système économique ultra libéral

  1. La détérioration de l’environnement

La hantise d’une croissance illimitée qui est au cœur du système d’économie ultra libéral conduit au niveau mondial à une surexploitation des ressources naturelles qui font violence à la nature et à la société.

 

Par exemple, pour produire à toujours plus grande échelle et pour se faire toujours plus de profit, on détruit en Amazonie, en Afrique ou en Indonésie des forêts si nécessaires pour préserver l’écosystème de la planète. En même temps toute une vie sociale et culturelle des habitants de ces forêts est détruite. Au nom de toujours plus de profit on fait de la « surpêche » industrielle qui abime les fonds marins, détruit certaines espèces jusqu’à leur disparition ; et en même temps on appauvrit les pêcheurs traditionnels. Toujours pour gagner plus d’argent on fait de la culture intensive sur d’immenses surfaces, dopée par un excès de fertilisants et protégée par des pesticides chimiques. Ainsi on appauvrit non seulement les sols mais aussi et surtout les petits cultivateurs qui sont parfois acculés au suicide (comme en Inde ou en France). De plus, la qualité des produits laisse à désirer et sont parfois vecteurs de maladie.

 

Ce mode de fonctionnement consomme beaucoup d’énergie fossile dont les effets s’enchaînent : réchauffement climatique, désertification de grandes étendues et appauvrissement de larges secteurs de certaines populations.

 

Dans le même sens, à l’île Maurice, la construction de toujours plus d’hôtels sur nos côtes pour abriter un nombre de touristes que l’on souhaiterait toujours croissant, abîme nos lagons et asphyxie nos 110 kms de plages déjà rongées par la montée des eaux. Et ce au détriment de l’accès aux plages d’une population qui vit déjà à 620 habitants au kilomètre carré.

 

  1. La surconsommation

La poursuite d’une croissance illimitée conduit à encourager la population à consommer toujours davantage. D’une part cette consommation produit une accumulation de déchets qui contribue à épuiser la nature, d’autre part, elle blesse la vie sociale par un gaspillage effréné.

 

Au niveau mondial, la pollution des océans par le plastique ajouté à la hausse de la température de la mer a épuisé les trois quarts des ressources de pêche. Les coraux ont disparu à hauteur de 30%[1]. Le dumping des déchets en provenance de pays riches dans certains pays du sud rend infertile des terres agricoles au détriment de la production de nourriture[2].

 

A l’île Maurice le site d’enfouissement des déchets de Mare Chicose est déjà saturé. Nos plages, nos rues, les terrains vagues deviennent des poubelles.

De plus, pousser à la surconsommation a un effet pervers parce que cela exerce sur les plus pauvres une fascination mortifère, comme la mouche inexorablement attirée par l’ampoule lumineuse qui finit par la tuer ! Les produits luxueux étalés dans les shopping malls qui se multiplient et vantés par une publicité tapageuse font rêver les petites bourses et les incitent à un surendettement qui finalement les étrangle ou les jette dans les griffes des casseurs. Enfin cette surconsommation est aussi sournoise parce qu’elle se justifie par une certaine cohérence interne d’un système où tout est lié : arrêter de surconsommer c’est mettre en danger les entreprises, l’emploi, la croissance.

Le Pape François nous explique comment ce système renferme une violence sourde : « les mécanismes de l’économie promeuvent une exagération de la consommation, mais il en résulte que l’esprit de consommation effréné, uni à la disparité sociale, dégrade doublement le tissu social. De cette manière, la disparité sociale engendre tôt ou tard une violence que la course aux armements ne résout ni ne résoudra jamais ». (Evangelii Gaudium N° 60.).

 

  1. Les inégalités sociales

Au niveau mondial, l’ensemble du système économique ultra-libéral est régi par une dictature de la finance sur le Bien Commun qui aboutit d’année en année, à creuser les inégalités. 95 à 97% des échanges financiers sont purement spéculatifs, alors que, entre 3 et 5% seulement sont investis dans l’économie réelle.[3] Ce système conduit à exclure des populations de plus en plus nombreuses de l’accès à un développement humain intégral. 20% des hommes consomment 80% des ressources de la planète pendant qu’un milliard de personnes dans le monde n’ont pas accès à l’eau potable et ont faim. La somme d’argent qui sert à financer les dépenses militaires mondiales est 12 fois plus élevée que les sommes accordées à l’aide au développement.

A l’île Maurice la politique économique des différents gouvernements depuis 42 ans n’a pas eu un impact positif important sur l’inégalité des revenus. Le coefficient de Gini qui mesure cette inégalité montre que les inégalités de revenus dans la population mauricienne ont été réduites de 1980 à 1991 ; mais ces inégalités se sont encore accentuées régulièrement de 1991 à 2017 pour retourner presqu’à leur niveau très élevé de 1980[4].

 

Depuis, les augmentations de la pension de vieillesse, le salaire minimum et le « negative income tax » ont eu un impact positif sur les salaires des ménages (par exemple, ceux qui gagnent moins de Rs 5 000 par mois sont passés de 12 585 à 2 688 ; et ceux qui gagnent moins de Rs 12 000 sont passés de 72 274 à 49 541). Mais cela n’a pas empêché une augmentation du nombre de ménages pauvres (qui passe de 33 800 à 36 100) et de personnes pauvres (qui passe de 126 200 à 130 500)[5].

 

Ces inégalités se traduisent surtout à travers des disparités terribles dans les conditions de logement. Il y a une tranche de la population mauricienne qui est squatteur depuis plusieurs générations ; et il est triste de voir comment certains logements sociaux s’entassent sur des terrains restreints où les pauvres ont peu d’espace pour respirer.

Dès 2014 le Pape François nous mettait en garde contre cette tendance à l’inégalité qui va s’accentuant sous l’influence du capitalisme ultra-libéral :--

«  ..sans égalité de chances, les différentes formes d’agression et de guerre trouveront un terrain fertile qui tôt ou tard provoquera l’explosion. Quand la société locale, nationale, ou mondiale abandonne dans la périphérie une partie d’elle-même, il n’y a ni programmes politiques, ni forces de l’ordre ou d’intelligence qui puissent assurer sans fin la tranquillité »[6].

 

 Violences cachées dans le fonctionnement de notre démocratie

 

  1. Le découpage des circonscriptions électorales est disproportionné et n’aboutit pas à ce que les députés élus représentent à peu près le même nombre de votants[7].
  2. Le système « first past the post » a entraîné souvent une représentation déséquilibrée au parlement : en 1982, 100% des sièges au Parlement ont été obtenus avec 63% de votes. De même en 2019, une alliance soutenue par 37% des votants obtient 63% des sièges à l’Assemblée Nationale. Beaucoup d’observateurs indépendants et d’hommes politiques de tout bord reconnaissent qu’il faut revoir et le découpage des circonscriptions électorales et le système « first past the post » en y ajoutant une dose de proportionnelle.

 

Et cependant aucun gouvernement n’est parvenu jusqu’ici à faire aboutir une réforme électorale qui touche à ces fondamentaux d’une vraie démocratie. Est-ce parce que les décideurs politiques de quelque bord qu’ils soient sont dans ce domaine à la fois juges et parties ? Leurs accès au pouvoir dépendrait-il un peu trop du système qu’il faut remettre en question ? Dans ce cas, ces questions ne devraient-elles pas être soumises plutôt à une institution judiciaire indépendante ?

  1. Le « best loser system » qui classe les Mauriciens en 4 catégories ou « communautés » blesse profondément cette aspiration au mauricianisme que nous partageons tous. D’une part, 2 de ces 4 catégories imposées par notre Constitution sont de type religieux (Musulman et Hindou) et deux autres sont de type ethnique (Chinois et Population générale). Ce qui fait qu’on pourrait se demander à quelle communauté appartiendrait un Mauricien de la population générale qui se convertirait à l’Islam, ou un Mauricien de la communauté chinoise qui voudrait adopter la religion Hindoue.

 

D’autre part, les calculs pour désigner les « best losers » après une élection générale se font toujours à partir d’un recensement qui date de 1972. Le fait que les recensements plus récents ne classent plus les Mauriciens selon ces 4 communautés indique déjà les contradictions inhérentes au système.

 

Enfin, l’appellation « population générale » ne désigne pas un groupe ethnique ou religieux spécifique comme les trois autres communautés mentionnées dans la Constitution. Elle désigne simplement tous ceux qui n’adhèrent pas au « way of life » musulman, hindou ou chinois ; en d’autres termes elle désigne pêle-mêle tous ceux qui restent après avoir clairement défini les autres. Ce qui veut dire que le classement de la population préconisé par la Constitution ne reconnaît pas vraiment toutes les différentes identités culturelles qui sont présentes dans la population.

 

Toute une génération de Mauriciens rejette viscéralement cette violence faite aux candidats qui sont obligés de déclarer leur appartenance à l’une de ces quatre communautés sous peine de voir leur candidature rejetée par la Commission Electorale.

 

Un premier groupe de Mauriciens [8]a fait entendre sa voix devant le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies. En 2012, le Comité a demandé à l’Etat mauricien de « réexaminer la question pour déterminer s’il est toujours nécessaire de maintenir un système électoral fondé sur l’appartenance à une communauté. L’Etat Mauricien est en outre tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir »[9].

 

Un autre groupe de Mauriciens [10]a lui aussi contesté le best loser system dans un rapport alternatif déposé devant le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations Unies. En 2018, ce Comité s’est dit « préoccupé par le maintien de la classification de la population de l’Etat Mauricien selon les catégories définies dans la Constitution, qui ne correspond pas vraiment aux identités des différents groupes présents dans l’Etat Mauricien[11] ».

Plus les autorités tardent à réagir, plus la violence sourde du système se fait sentir. Pour sauver ce qu’il y a de beau et de grand dans notre système démocratique (et il y en a beaucoup) il ne faut pas laisser ces blessures gangrener l’ensemble du système. Le bon fonctionnement d’une démocratie repose sur la confiance. Or la confiance ne se commande pas, ni ne s’achète. Elle se mérite. Antoine Guterres, Secrétaire Général des Nations Unies, attirait l’attention récemment sur le danger que peut représenter « ce déficit de confiance dans les rues du monde entier, alors que les gens expriment frustrations et un sentiment que la classe politique est déconnectée »[12]

 

 Violences sociales

  1. Dans son rapport alternatif soumis au Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale, Affirmative Action souligne comment certains groupes ethniques à Maurice sont stigmatisés et subissent différentes formes de discrimination. Dans ses conclusions, le Comité regrette que l’Etat mauricien « persiste à ne pas recueillir des données ventilées par appartenance ethnique, ce qui, de l’avis du Comité, empêche d’évaluer l’exercice des droits de l’homme par les différents groupes ethniques[13]».

 

Cette demande du Comité n’a pas pour but de chercher à équilibrer artificiellement la représentation des communautés par un système de quotas. Car il est important que « pour le bien du pays la compétence prime dans tous les domaines »[14]. L’objectif de cette demande est plutôt d’aller au-delà des rumeurs, pour connaître les faits réels vérifiables et ainsi d’être en mesure d’en chercher les causes afin de pouvoir y apporter remède.

 

  1. De plus, il y a dans la société mauricienne, une source cachée de discrimination violente qu’on appelle le racisme. Il habite les mentalités, se transmet de génération en génération et conditionne les relations humaines dans les familles, à l’école et dans les entreprises privées comme dans la fonction publique. Présent sous différentes formes dans différentes communautés, il conduit à une discrimination dans l’emploi, dans les relations sociales et quelquefois même à la victimisation de personnes considérées comme inférieures. Un homme me confiait que, depuis 25 ans, il est victime dans son emploi à cause du racisme de ses supérieurs hiérarchiques. « To pa kone twa ek mwa nou pa mem nivo... », faisant référence à une supériorité de l’appartenance ethnique et non pas à une compétence professionnelle supérieure.

 

Violences cachées dans le système éducatif

 

La structure de notre système d’éducation est aussi porteuse d’éléments qui font violence à un nombre important de jeunes. Par exemple, sur 10 élèves qui entrent en Grade 1, seulement 3 accèdent à la HSC. Les résultats de la Senior de la cuvée 2019 montrent amplement comment une fois de plus, notre système d’éducation laisse sur le bord de la route, un pourcentage important d’élèves. Sur 18,659 candidats aux examens de la Form V cuvée 2019, 62.4% (11 635) n’ont obtenu que trois credits et moins, ce qui ne leur permet pas d’accéder ni à la HSC, ni pour la majorité, aux filières techniques existantes dont la capacité d’absorption est déjà très limitée.

 

Ces résultats ne traduisent-ils pas la difficulté de notre système à rejoindre une proportion importante de jeunes qui ne sont pas faits pour une filière académique, mais qui peuvent être très performants dans d’autres filières, le technique en particulier ? Il n’est pas question de proposer un nivellement par le bas, ni de sous-estimer l’importance de porter attention aux élites. Mais il faut empêcher qu’une juste attention aux élites conduise à négliger les besoins des élèves faibles ou moyens académiquement. Ceux-ci peuvent aussi être très bons dans d’autres disciplines parce qu’ils ont une autre forme d’intelligence. Le défi est de promouvoir suffisamment de filières à ces 11635 élèves (70%) qui n’ont pas assez de credits pour entrer en HSC. Ces filières nouvelles qui commencent à être créées sont tout autant nécessaires pour répondre aux besoins du pays.

 

Par ailleurs, l’atmosphère à l’école est souvent lourde pour certains élèves qui sont brutalisés ou terrorisés sournoisement par des camarades plus grands et plus forts. Le mouvement « Action Catholique de l’Enfance » attirait l’attention récemment sur ce phénomène de « bullying » qui se répand dans certaines écoles et prend des proportions inquiétantes.

 

Le programme Zippy qui s’étend progressivement dans les écoles confessionnelles comme dans les écoles d’Etat cherche à prévenir ce type de violence. Ce programme éduque en effet les jeunes élèves, comme leurs parents et leurs enseignants, à développer en amont des réflexes sains, qui peuvent contribuer à désarmer ces situations de violence quand elles se présentent.

 

Violences familiales

 

L’actualité regorge de faits de violences domestiques qui choquent de par leur barbarie et leur nombre. Ces faits révèlent des drames silencieux dans la vie de couples apparemment sans histoires ou dans la vie de jeunes livrés à eux-mêmes pour chercher à se faire une place au soleil. L’Ombudsperson for Children a récemment tiré la sonnette d’alarme sur les violences familiales qui touchent aussi les enfants.

 

Derrière ces manifestations de violences extérieures se cachent des conditionnements d’origine aussi bien économique que sociale. Tout est lié. Les conditions de logement dans les squats et parfois dans les logements sociaux sont souvent inhumaines et font le lit de la violence. La promiscuité agresse l’intimité et finit par développer chez la personne un mélange de peur et d’agressivité. Cette colère refoulée peut, à la moindre étincelle, déboucher sur un défoulement excessif.

 

Quand un jeune est désœuvré à cause du chômage et habite dans des conditions infrahumaines sans perspectives d’avenir, sans accès à une formation technique ou autre, il tombe facilement dans la petite criminalité et devient une proie facile pour les trafiquants de drogue. Il entre alors dans un engrenage infernal d’emprisonnement et de délinquance. La drogue devenue tellement accessible, et promue sans vergogne, constitue une source constante de violence à nos portes. La peur engendrée par ces différents types de violence se manifeste par la prolifération des murs de clôture, des caméras de surveillance et des systèmes d’alarme. Tout ce qui pousse à chercher à se défendre soi-même entretient la méfiance et constitue le potentiel d’une certaine escalade de violence.

 

2e chapitre : Comment construire la paix durable dans une telle situation ?

Construire la paix demande de l’initiative, un engagement quotidien personnel. Nous ne pouvons pas renvoyer cette responsabilité à d’autres ou aux seules institutions. Elle est une œuvre citoyenne où chacun a un rôle irremplaçable. La paix est à faire constamment, petit à petit, par des gestes concrets dans le quotidien. Mais avant tout, la paix est un don de Dieu offert à ceux et celles qui y travaillent, un peu comme le fruit que le cultivateur reçoit comme un don sur l’arbre qu’il a soigné pendant de longues années. Construire la paix est un processus qui commence par l’initiative personnelle de chacun, implique peu à peu d’autres personnes et rejaillit enfin sur l’ensemble de la société.

Construire la paix durable est d’abord un engagement personnel

Si tu veux travailler pour la paix, commence par la rechercher personnellement. Devenir artisan de paix présuppose que je m’ouvre à une relation avec Dieu et qu’en sa présence je me laisse habiter par son amour inconditionnel de Père pour tous les hommes. Une personne qui n’est pas en paix avec elle-même arrivera difficilement à la diffuser autour d’elle. Il s’agit d’un long cheminement intérieur qui conduit la personne à se réconcilier avec Dieu, avec elle-même, avec son passé et avec ses frères et sœurs. Tout au long de ce chemin, l’amour de Dieu pansera ses blessures et lui fera connaître une guérison intérieure.

Dans la plupart des traditions religieuses, il existe une règle d’or pour le vivre-ensemble : « Ce que tu voudrais que les autres fassent pour toi, fais-le aux autres d’abord ». Tu n’aimes pas que les autres te blessent, alors commence par ne pas blesser. Cette règle invite au respect de l’autre qui partage la même humanité, la même aspiration à la paix.

La « non-violence » est un autre chemin qui conduit à la paix. Elle est un style de vie où je m’engage à ne jamais rendre le mal pour le mal, mais à toujours persévérer dans le bien que j’essaye de faire aux autres même à ceux qui m’ont offensé. Mère Teresa, Gandhi, Martin Luther King, Rosa Parks et beaucoup d’autres encore en ont fait le combat de leur vie. Ils avaient l’intime conviction que faire la paix commence par un engagement personnel. Quand elle a reçu le Prix Nobel de la Paix en 1979, Mère Teresa disait : « Dans notre famille, nous n’avons pas besoin de bombes et d’armes, de détruire pour apporter la paix, mais uniquement d’être ensemble, de nous aimer les uns les autres […] »[15].

La non-violence n’est pas une attitude passive qui consisterait à accepter les conflits de manière résignée, en se taisant, en les ignorant, ou en tombant dans l’indifférence. Être non violent c’est « accepter de supporter le conflit, de chercher à le résoudre et à le transformer en une opportunité de paix plus solide ».[16]

Dans notre diocèse, un parcours de formation « Gestion des conflits » commencé après les émeutes qui ont suivi le décès du chanteur Kaya en 1999, est un bon outil pour apprendre à se situer face aux conflits. Devenir artisan de paix c’est aussi se donner les moyens pour se former et développer une attitude responsable. 

Rôle des familles pour une paix durable

Pour construire la paix nous avons besoin aussi du soutien et de l’apport des citoyens de différentes communautés, cultures et religions. Elle est l’affaire de chacun et en même temps de tous : en famille, à l’école, dans les ONGs, au travail, dans les lieux de décision politique et économique.

La famille est le premier lieu où chacun apprend à bâtir la paix et à vivre la non-violence. Nous avons tous en mémoire un souvenir où nos parents nous ont invités à nous réconcilier après une dispute avec un frère ou une sœur. Pas de paix possible s’il n’y a pas de pardon. Ce pardon nous l’avons pratiqué nous-mêmes dans nos familles grâce souvent au témoignage que nous ont donné nos parents. Le pardon est le ciment de la cohésion familiale. C’est là qu’on apprend à dépasser sa rancœur, sa haine pour vivre la réconciliation et faire la paix.

C’est en famille aussi que les enfants et les jeunes peuvent apprendre à renoncer à tout avoir tout de suite. Un enfant peut devenir violent si son désir n’est pas satisfait dans l’immédiat. Un des rôles essentiels des parents c’est d’apprendre à leurs enfants à vivre le manque tranquillement et à accepter quelquefois de différer la réalisation de leurs désirs. Il est essentiel que les enfants apprennent que nous pouvons être heureux sans passer son temps à courir derrière les derniers gadgets.

Eduquer à la paix c’est aussi apprendre aux enfants à vivre sainement la différence sexuelle en mettant les garçons et les filles sur un pied d’égalité. Parfois, sans nous en rendre compte, nous pouvons, laisser entendre par notre façon de penser et par notre langage que les garçons sont supérieurs aux filles. Notre manière d’élever les enfants peut faire croire que certaines tâches ménagères sont réservées plutôt aux filles qu’aux garçons. Certains garçons, en grandissant, vivent alors avec un sentiment de supériorité qui, bien souvent, est le germe de la violence envers les femmes. Dans ce domaine l’exemple est plus parlant que les meilleures paroles.

Initier les enfants au respect du plus petit et du plus faible à la maison est aussi une contribution à la construction de la paix dans une société. Au cœur de la famille elle-même l’attention spéciale et les multiples services rendus à un enfant malade ou handicapé, sont sources de dynamisme et indiquent le chemin à prendre pour le respect des plus faibles en société.

La qualité de vie du couple a aussi un rôle capital à jouer pour promouvoir la paix dans la famille. Le dialogue entre conjoints, entre parents et enfants, entre frères et sœurs pour décider des mesures à prendre en famille est important pour une bonne entente familiale. Lorsque la communication est fluide dans la famille, il y a moins de risques que s'installe la violence. D’où l’importance pour le couple d’initier leurs enfants à exprimer leurs sentiments, à dire leurs émotions. Il n’y a pas de mal à être en colère, mais pour ne pas laisser la colère dégénérer, il est important d’exprimer calmement pourquoi je suis en colère.

L’éducation des enfants et des jeunes à une juste utilisation des écrans dans notre monde globalisé et numérique fait aussi partie de la contribution des parents à la construction d’une paix durable. La technologie est bonne mais elle peut parfois prendre beaucoup de place dans la vie des jeunes. Ils vivent alors dans un monde virtuel sans contact avec la réalité. Il est très apaisant pour les parents comme pour les enfants de s’asseoir à table, après avoir éteint petits et grands écrans et de partager le repas en dialoguant ! Les familles où parents et enfants jouent ensemble sont souvent très épanouies. Elles retrouvent ainsi une sobriété de vie qui est déjà un chemin de paix !

Différents parcours de formation sont disponibles pour aider des hommes et des femmes séparément ou en couple à assumer leurs responsabilités de parents. Plusieurs familles ont retrouvé la paix après que les parents aient participé à l’une de ces formations. Un de ces parcours Zezi Vre Zom, a été reconnu en 2014 comme mouvement qui contribue à réduire la violence envers les femmes. Il a reçu pour cela un « award » international.

Les écoles au service de la paix durable

Les écoles aussi ont leur rôle à jouer : elles sont appelées à se préoccuper non seulement du progrès académique de l’enfant mais aussi de son développement humain intégral. Il s’agit, en particulier, de développer chez l’enfant des attitudes, des façons de vivre qui constituent le terreau où peut fleurir la paix : par exemple, éduquer à la solidarité entre élèves et ne pas s’en tenir à la seule compétition, inviter à découvrir les différentes cultures et religions qui nous entourent et initier à un dialogue sain. Le Projet Catéchétique Kleopas invite déjà les élèves à découvrir la richesse des traditions culturelles de leurs camarades. L’initiative est petite, mais peut être une semence de paix dans notre société. Souvent les liens d’amitié que nous avons noués pendant nos années de scolarité durent jusqu’à l’âge adulte. Ces liens sont précieux et peuvent beaucoup contribuer à la paix sociale.

De petites initiatives dans les écoles et collèges de l’île initient aussi les jeunes à l’écologie. Le projet « Our Common Home » lancé par la Commission Diocésaine Justice et Paix prend corps petit à petit dans nos écoles. Les jeunes prennent vite conscience qu’ils sont eux aussi responsables de préserver la nature et de soigner ce petit morceau de terre où nous sommes appelés à vivre ensemble. Par exemple, des groupes de collégiens encouragés par leurs professeurs nettoient des plages ; d’autres cherchent des moyens concrets pour débarrasser notre pays du plastique. Ces petits projets écologiques rassemblent des jeunes autour d’un enjeu fondamental pour le monde contemporain et engendrent ainsi une fraternité solide.

Des ONGs au service de la paix durable

Les ONGs apportent aussi leur pierre à la construction de la paix sociale. Toutes ces personnes de bonne volonté méritent notre reconnaissance : ceux et celles qui luttent contre la pauvreté, l’abus d’alcool ou la toxicomanie, contre la violence envers les femmes, ceux et celles qui travaillent pour le tri des déchets ou le recyclage du plastique, la plantation d’arbres, ceux qui s’engagent pour offrir une éducation adaptée aux enfants à besoins spéciaux, etc.

Ces temps-ci j’ai été frappé par ces affiches placardées dans notre pays où on pouvait lire : « Larout li pa enn poubel » ! Cette campagne a été créée et auto-financée par des citoyens. Ils n’ont pas attendu que les autorités fassent quelque chose. Ce fut l’initiative d’une personne, puis d’un groupe attaché à la beauté de nos paysages. Préserver ce qui est beau contribue à bâtir la paix.

 Devant l’ampleur de la drogue, des citoyens s’organisent : ils soutiennent les familles des toxicomanes ; ils travaillent à la prévention auprès des jeunes ; ils s’engagent dans la réhabilitation au CATR, au Centre de Solidarité, à Lacaz A. Plus récemment deux anciens toxicodépendants, après leur formation Zezi Vre Zom, ont décidé de lancer la fraternité « Narcotics Anonymous ». Ils ont fait le choix de rejeter la drogue, d’arrêter leur traitement à la méthadone et de s’entraider à rester abstinents. Petit à petit, sans tambour ni trompette, ces deux hommes s’adjoignent d’autres personnes qui veulent elles-aussi être abstinentes. C’est une goutte d’eau dans l’océan de la réhabilitation, mais c’est la paix que quelques familles ont retrouvée.

Notre pays pourrait aller encore plus loin dans son engagement. La Commission d’enquête sur la drogue présidée par le Juge Lam Shang Leen insistait sur l’importance d’une politique nationale de réhabilitation. Elle recommandait, à cet effet, que la prison de Petit Verger soit convertie en un centre de réhabilitation. Il nous faut changer notre regard et considérer les consommateurs de drogue comme des malades et non pas comme des criminels.

Depuis quelques décennies, Caritas fait preuve d’une grande créativité et multiplie des initiatives adaptées aux différents besoins de nos frères et sœurs qui vivent dans la misère : par exemple, l’alphabétisation, différentes formations pour permettre aux personnes démunies de reprendre confiance en elles-mêmes - une Ecole de Technicienne de Maison, des jardins potagers communautaires, une école de pâtisserie, des logements de transition pour ceux et celles qui attendent longtemps qu’un logement social leur soit attribué, etc. Ces initiatives ne sont pas simplement des solutions aux problèmes des pauvres, mais elles contribuent surtout à les aider à se mettre en route sur un chemin de développement humain. Cela demande de la part des animateurs de Caritas une grande écoute et un long accompagnement. Il s’agit en somme de ne pas se situer simplement comme bienfaiteur du pauvre mais comme son frère, sa sœur.

Les décideurs politiques et économiques au service de la paix durable

Alors que chaque citoyen a le devoir de participer à la construction d’une paix durable, il revient à l’Etat de tout mettre en œuvre pour encourager les citoyens à travailler ensemble pour cette noble cause. Ceux-ci auront beau multiplier les initiatives, placarder les affiches, bannir le plastique à la maison, nettoyer les plages, planter les arbres, mais tout cela risque d’être sans lendemain si l’Etat n’indique pas clairement une volonté politique dans ce sens. Le rôle de l’Etat est d’offrir un cadre porteur qui encourage ce travail, insuffle un dynamisme et offre un avenir et une pertinence aux initiatives citoyennes.

Le Pape François, en s’adressant aux autorités du pays à la State House soulignait que depuis son indépendance en 1968, la République de Maurice a su bâtir une tradition démocratique qui contribue à faire de l’île Maurice une oasis de paix. Mais il a aussi formé le vœu que cet art de vivre démocratique puisse être cultivé et développé en luttant notamment contre toute forme de discrimination.

Pour ne prendre qu’un exemple : en se basant  sur le Small Planters Welfare Fund en comparaison avec le Fishermen Welfare Fund, on note que sur une durée moyenne de 3 ans les petits planteurs gagnent un avantage de plus de Rs 400 millions par rapport aux pêcheurs[17]. Chacun de ces deux secteurs, agricole et marin, a son importance. Tout comme les petits planteurs qui souffrent beaucoup des intempéries qui ont des conséquences graves sur leurs plantations, les pêcheurs aussi sont perturbés dans leur métier par les tourmentes climatiques. L’Etat devrait promouvoir chaque secteur de manière équitable et permettre à chacun de s’épanouir selon son charisme propre et d’apporter ainsi sa contribution au bien commun.

Mettre en route les processus qui portent des fruits sur le long terme

Construire la paix ne nous demande pas simplement de réagir quand la violence éclate, mais de mettre en train des processus de longue haleine. Cela demande de prendre du recul et du temps pour la réflexion, la concertation, le discernement. C’est dans ce sens que le Pape François, nous encourageait, dans son discours au Réduit, à promouvoir une politique économique axée sur les personnes et qui soit en mesure de favoriser une meilleure répartition des revenus, la création d’emplois et la promotion intégrale des pauvres.

L’Eglise ne souhaite pas se situer comme donneur de leçons, ni comme courroie de revendications sociales. Nous reconnaissons que les problèmes sont complexes et qu’il est souvent difficile de tenir ensemble la gouvernance au quotidien et la réflexion sur le long terme. A travers différentes équipes de prêtres et de laïcs, nous serions disposés à nous situer plutôt comme partenaires dans une réflexion avec certaines autorités de l’Etat ou certains secteurs d’entreprises – surtout sur les sujets où nos préoccupations pastorales rejoignent les préoccupations sociales des autorités : par exemple, pour le logement social, le combat contre la drogue, l’éducation y compris technique, le bien-être de la famille, etc.

Déjà des signes encourageants sont apparus, ici et là, qui indiquent que des responsables politiques et économiques commencent à chercher comment modifier le cap. Par exemple, du côté des autorités politiques, on note l’introduction prochaine d’un Climate Change Bill, la recherche de modèles appropriés pour une meilleure gestion des déchets ou une préoccupation pour un renouvellement du logement social.

Par ailleurs, au moment de participer au « Africa CEO Forum », le grand rendez-vous du secteur privé africain en mars prochain, M. Alain Law Min, CEO de la MCB s’exprimant dans l’Express du 17 janvier 2020, disait : « Convaincre du nécessaire, et possible, changement de paradigme pour les grandes entreprises à travers le monde, dans un contexte où les inégalités continuent à se creuser, où les déséquilibres restent forts et où le risque environnemental grandit, la MCB est fière de s’associer à ce forum pour participer à la création d’une nouvelle dynamique en faveur du bien commun ».

Peu de jours après, la MCB lançait la conférence « Klima » où elle indiquait déjà la façon dont elle se propose de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique.

Au niveau international également, selon une analyse du Financial Times, relayée par Anne Robert dans l’Express du mercredi 29 janvier 2020, il semblerait qu’à Davos, cette année, pour la première fois, « l’environnement et les enjeux de société, des thèmes qui auraient autrefois été relégués au chapitre de la distraction tiennent désormais le devant de la scène ». En cherchant les causes de ce phénomène, les journalistes du Financial Times découvrent que « les jeunes diplômés, les ingénieurs ayant devancé tous leurs rivaux aux plus prestigieux concours, les jeunes managers dynamiques, ceux-là n’envoient plus leurs cv aux compagnies pétrolières…. ni aux multinationales flamboyantes. Sans faire de bruit, les élites jeunes ont réussi ce que des décennies de manifestations civiles n’ont pas atteint… On ne mesure pas encore l’ampleur de la silencieuse révolution ».

Dès le 1er mai 2019, le Pape François avait convoqué un bon nombre de ces jeunes économistes et entrepreneurs à Assise pour un grand congrès en mars 2020. « J’ai pensé, dit-il, à inviter de façon spéciale vous les jeunes, car avec votre désir d’un avenir beau et joyeux, vous êtes déjà prophètes d’une économie attentive aux personnes et à l’environnement »[18]. Déjà quelques jeunes Mauriciens ont été invités à participer.

 

3e Chapitre : Nos ressources

 

Construire une paix durable demande du temps. Car pour cela, il ne suffit pas de chercher à contrôler des espaces, il faut mettre en train des processus, c’est-à-dire « privilégier des actions qui génèrent des dynamismes nouveaux dans la société, qui impliquent d’autres personnes et d’autres groupes qui les développeront à leur manière, jusqu’à ce qu’ils fructifient en événements historiques »[19]. Chacun a son rôle à jouer sur ce grand chantier national. Devant ces défis, quelles sont les ressources dont nous disposons ?

 

La Fraternité            

D’abord la fraternité. A l’île Maurice nous vivons nombreux avec nos différences sur une petite surface, les uns à côté des autres comme sur un même bateau. Inconsciemment, peut-être, nous sentons que la moindre agitation de la part des passagers, comme la moindre fausse manœuvre de la part de l’équipage peut faire perdre l’équilibre et chavirer le bateau. Dans la proximité que nous impose l’exiguïté de notre territoire, la fraternité devient à la fois un défi et notre ressource la plus précieuse. Il y va de la sécurité de notre traversée et de notre bonheur de vivre ensemble. De passage à Maurice, le Pape François soulignait que nous sommes « capables de rappeler qu’il est possible de parvenir à une paix stable à partir de la conviction que « la diversité est belle quand elle accepte d’entrer constamment dans un processus de réconciliation, jusqu’à sceller une sorte de pacte culturel qui fait émerger une « diversité réconciliée »[20].

 

Avant d’être le fruit de nos efforts, la fraternité est un don de Dieu. Elle vient du fait que nous avons tous été façonnés par les « mains de Dieu » qui nous a créés à son image et à sa ressemblance, non pas comme des êtres en série mais chacun avec son originalité, sa culture, ses talents. Avec nos différences, nous sommes tous issus de l’amour gratuit et inlassable d’un même Père. Nous sommes ses enfants bien-aimés à qui il a donné ce petit morceau de terre pour que nous y habitions ensemble comme dans une maison commune. C’est là que nous, les Mauriciens, portons ensemble la responsabilité de « construire une fraternité soucieuse du bien commun »[21].

 

Nous parlons souvent avec fierté de la « coexistence pacifique » entre les différentes communautés qui constituent la société mauricienne. Certainement cette coexistence est déjà quelque chose. Mais je me demande quelquefois si ce terme ne cache pas une espèce d’indifférence. La fraternité à laquelle nous sommes appelés doit dépasser une simple « coexistence pacifique » où l’on peut se croiser sans jamais se rencontrer, sans se connaître vraiment.

 

La « diversité réconciliée » que le Pape François nous invite à vivre va plus loin : il s’agit de se rencontrer, d’apprendre à mieux se connaître, chercher à découvrir et à apprécier la culture de l’autre. A cet égard, il faut saluer l’initiative du Conseil des Religions qui a abouti à mettre sur pied à l’Université de Maurice un parcours où l’on étudie l’histoire des différents groupes culturels et religieux à Maurice. Il y a aussi un autre parcours offert au Centre Interreligieux de Pont-Praslin, qui a déjà porté beaucoup de fruit. Ces parcours peuvent beaucoup contribuer à forger en nous « la forte conviction que les vrais enseignements des religions invitent à demeurer ancrés dans les valeurs de la paix ; à soutenir les valeurs de la connaissance réciproque et de la fraternité humaine »[22].

 

Il arrive malheureusement que la fraternité que nous voulons construire soit blessée par notre intolérance à l’égard de la différence de l’autre. Au fond, la paix est incompatible avec toute tentative de se construire une « vie tranquille » à l’écart, en repoussant celui qui est différent comme s’il était une menace. La peur de la différence nous aveugle et nous rend mesquins. Ne nous résignons pas à une fraternité réduite, taillée selon nos goûts ou nos intérêts personnels. L’enfer ce n’est pas « les autres ». C’est plutôt notre refus de rencontrer « les autres ». Car, en vérité, « les autres » sont nos frères, nos sœurs ; ils sont notre principale ressource.

 

Ce chemin de fraternité ne se limite pas aux relations interpersonnelles. Il nous conduit aussi à une nouvelle manière d’habiter notre maison commune et de nous préoccuper que chacun puisse avoir des conditions de vie que nous souhaiterions pour nous-mêmes. Vivre la fraternité nous conduit à toujours plus de créativité pour faire en sorte que notre modèle de développement économique soit davantage promoteur d’un développement humain intégral qui reste le fondement de la paix sociale.

 

Nous pouvons aussi être tentés de nous méfier de l’un ou l’autre de nos frères parce qu’il nous a offensés. Une offense est toujours une blessure à la fraternité. Une blessure qui fait souffrir, non seulement la personne offensée, mais aussi l’offenseur qui s’est blessé lui-même et a mis tout son entourage mal à l’aise. Demander pardon, ou accorder le pardon nous semble souvent quelque chose de surhumain. Et cependant au fond de nous, nous reconnaissons que la réconciliation est la seule voie de vraie libération. Ce frère ou cette sœur qui m’a fait du mal n’est pas nécessairement une mauvaise personne. Toute personne a du bon en elle, mais cette bonté a été blessée par l’offense qu’elle m’a faite et elle cherche un chemin pour être accueillie. C’est pourquoi « un frère ou une sœur ne doit jamais être enfermé dans ce qu’il a pu dire ou faire de mal, mais il doit être considéré selon la promesse qu’il porte en lui »[23]. Choisir la voie du pardon, c’est choisir de rompre la spirale de la vengeance et de l’enfermement sur soi, pour ouvrir un espace où la fraternité pourra refleurir. Choisir le pardon, c’est gagner la paix.

 

Quelques heures avant de mourir, Jésus disait à ses disciples « je vous laisse la paix, c’est ma paix que je vous donne ; je ne vous la donne pas comme le monde la donne » (Jn 14, 27). Cette paix qu’il nous laissait ce jour-là prend sa source dans le pardon qu’il offrait à tous ceux qui l’avaient condamné injustement, brutalisé ou abandonné. Sur la croix, il a voulu « supprimer en sa chair la haine …, détruire les barrières qui séparaient les peuples, faire la paix et nous réconcilier avec Dieu » (Eph 2, 14-16). Sur la croix, il a refusé de prendre la posture du pouvoir qui domine, qui juge et reste drapé dans sa dignité offensée. Il a choisi plutôt de se faire humble serviteur, de pardonner. Il a choisi ainsi de payer le prix de la paix. Nous sommes tous bénéficiaires de ce pardon. L’accueillir humblement aujourd’hui nous donne la force de pardonner à notre tour et de contribuer ainsi à faire renaître la fraternité.

 

L’Eglise est spécialement appelée à témoigner de la force du pardon offert par Jésus et de la fraternité qu’il engendre. Témoigner non seulement avec des paroles mais en acte, dans nos familles, dans nos paroisses et nos mouvements, entre prêtres, diacres, évêques, religieux(ses). Personne n’est à l’abri d’une offense de la part d’un frère, d’une sœur et personne ne peut prétendre qu’il n’a jamais offensé quiconque. Le Carême est un temps propice pour relire notre vie et de voir concrètement quels sont les pardons que je suis appelé à demander ou à donner. Cette démarche personnelle de chacun est une pierre importante à apporter à la construction d’une paix durable.

 

Sur ce chemin de conversion, Jésus a voulu nous soutenir par le sacrement de réconciliation qui réalise dans le concret de nos vies le pardon qu’il nous a offert à tous sur la croix. Ce sacrement reçu avec foi, renouvelle les personnes et les communautés en invitant chacun à tourner son regard vers Jésus, qui sur la croix est « celui que nous avons transpercé » (Jn 19, 37). Or celui que nous avons transpercé est aussi celui qui nous guérit : « Regarde les bras ouverts du Christ crucifié, laisse-toi sauver encore et encore. Et quand tu t’approches pour confesser tes péchés, crois fermement en sa miséricorde qui te libère de la faute. Contemple son sang répandu avec tant d’amour et laisse-toi purifier par lui. Tu pourras ainsi renaître de nouveau »[24]. Et tu deviendras un artisan de paix.

 

L’Espérance

Pour persévérer sur ce chemin, nous avons besoin d’espérance. « En effet, on n’obtient pas la paix si on ne l’espère pas. Il s’agit avant tout de croire en la possibilité de la paix, de croire que l’autre a le même besoin de paix que nous »[25].

Au plus fort des émeutes Kaya en 1999, j’ai été témoin personnellement de la façon dont une amitié et une collaboration de longue date entre des jeunes de communautés différentes habitant le même quartier ont contribué à éviter un bain de sang. Ces jeunes ont réussi parce qu’ils ont tenu ferme dans l’espérance que la paix était possible. Longtemps avant les émeutes Kaya, ils avaient commencé à construire la paix avec patience comme de véritables artisans, au fil de petites collaborations, de paroles justes et quelquefois courageuses, de témoignages de respect, d’attentions délicates. Ainsi s’était tissé peu à peu un style de relation empreint de confiance réciproque qui a pu résister aux assauts d’une violence toujours possible.

 

Construire la paix est un chemin d’espérance basée entre autres sur la mémoire. Il est important d’offrir aux générations futures le service indispensable de la mémoire de tragédies du passé comme par exemple chez nous, les souffrances et les humiliations liées à l’esclavage et à l’engagisme. « Cette mémoire doit être conservée, non seulement pour éviter de commettre de nouveau les mêmes erreurs mais aussi pour suggérer le chemin pour des choix présents et futurs en faveur de la paix »[26].

 

La mémoire peut aussi devenir « l’horizon de l’espérance » en ce sens où le rappel de petits gestes tout simples qui ont pu dénouer des situations tendues dans le passé peut rallumer en nous la flamme de l’espérance et inspirer aujourd’hui des choix courageux. Par exemple, retrouver dans notre mémoire familiale des souvenirs de premiers pas audacieux en vue d’une réconciliation ou d’initiatives généreuses de solidarité pour sortir un membre de la famille d’un mauvais pas. Se raconter ces épisodes fait renaître l’espérance et pousse à créer un genre de tradition familiale qui consolide les liens et construit la paix.

 

Retrouvons aussi dans notre mémoire nationale des expériences qui nous disent que l’île Maurice est capable de vivre en paix. Par exemple, si des jeunes Mauriciens de différentes communautés sont capables de faire équipe et de gagner aux jeux inter-îles, ils peuvent aussi faire équipe pour relever les défis écologiques, et gagner la lutte contre la misère. Ou encore, se souvenir que des Mauriciens ont été capables d’abriter chez eux et de protéger des voisins d’autres communautés qui étaient en danger au plus fort d’un cyclone ou d’une émeute, nous rappelle qu’au milieu des plus dures épreuves, des Mauriciens peuvent rester frères. De tels souvenirs nourrissent l’espérance et nous montrent qu’il y a un horizon au-delà de la violence.

 

Quand je vais célébrer la messe en prison, j’avoue être toujours bouleversé par le chant tonitruant des détenus. En les écoutant, il me semble qu’ils ne font pas que hurler leur douleur. Ils expriment aussi une espérance, comme pour dire que leur dignité humaine dépasse ce qu’ils ont pu faire de mal, qu’il y a en eux quelque chose de plus beau, de plus fort qu’ils veulent exprimer en chantant.

 

Je me souviens aussi de cette soirée passée avec des SDF sur le parvis de la Cathédrale quelques jours avant Noël. A un moment donné, au milieu du repas, un de ces hommes entonna d’une belle voix forte « Vini zot va goute, vini zot va truve kouma mo Bondie bon ». Il était heureux de chanter ainsi gratuitement au milieu de ses camarades et peu à peu nous nous sommes tous mis à chanter avec lui. Son large sourire exprimait une joie réelle, une espérance tenace, celle d’un homme qui, par son chant, nous faisait percevoir comment sa dignité d’homme ne se laissait pas écraser par la misère.

 

« En fait, l’espérance est la vertu des pèlerins et les pèlerins chantent en chemin. Même s’ils sont loin du but et que le chemin est pénible, ils chantent pour se donner courage. Car le chant peut exprimer une espérance inaccessible à nos concepts »[27].

 

Jésus aussi est devenu une source inépuisable d’espérance pour tous ceux qui veulent bien lui faire confiance. Lors de la dernière soirée qu’il passait avec ses disciples avant la crucifixion, tout paraissait sombre, sans issue. La petite communauté des disciples se désagrégeait. L’un d’eux avait déjà trahi, Pierre devait renier et les 10 autres se disperser. L’avenir ne semblait leur réserver que souffrance, solitude et mort. Et c’est au milieu de ce désastre que Jésus partage le pain et le vin avec eux en leur disant « Ceci est mon corps livré pour vous, ceci est mon sang versé pour vous … faites ceci en mémoire de moi ». Tranquillement au milieu de cette débandade il restait au milieu d’eux « comme celui qui sert » ; et il laissait entendre que sa mort prochaine n’était pas simplement un mal qu’il allait subir, mais plutôt le don qu’il faisait de sa vie. La résurrection de Jésus trois jours plus tard a transformé ce qui semblait être un échec terrible sur la croix en source vive d’espérance.

A la messe chaque dimanche, rappelons-nous ce que Jésus a fait ce soir-là, et affirmons ensemble que l’espérance ne déçoit pas. Rendons grâce pour Jésus qui est ressuscité et qui nous accompagne dans notre lutte quotidienne pour la construction d’une paix durable aujourd’hui. Donnons-lui notre vie à notre tour. Rendons-nous disponibles. Il fera de nous des artisans de paix.

 

Témoigner

Nous sommes aussi appelés à témoigner de l’espérance qui est en nous. Pour donner courage, l’espérance doit être partagée.

 

C’est pourquoi Saint Pierre, s’adressant aux chrétiens du premier siècle, menacés par la persécution dans l’empire romain, les invitait à « rendre compte de l’espérance qui était en eux, avec douceur et respect » (1P. 3, 15). Partager notre espérance n’est pas manquer de respect ni faire du prosélytisme. C’est simplement reconnaître chez nos frères et sœurs d’autres traditions religieuses, des personnes qui, elles aussi, ont à cœur la paix sociale et luttent pour la construire au quotidien. Sur ce chemin que nous faisons ensemble, il est bon de partager nos ressources, de s’écouter mutuellement comme des pèlerins qui partagent le pain de la route. Ce partage de nos raisons d’espérer nous rapproche ; cette proximité au milieu de nos différences est déjà un grand atout pour la construction de la paix.

Parmi les multiples façons de témoigner de notre espérance, il y en a une, précieuse entre toutes, qui est à la portée de tous : simplement rester proche de ceux et celles qui sont isolés, marginalisés et souvent victimes de violences diverses. L’exemple des moines cisterciens français installés à Tibhirine, un village d’Algérie et menacés par une montée soudaine du terrorisme est resté fameux. Après un long discernement, les moines décidèrent de rester auprès de leurs frères et sœurs algériens menacés eux aussi. Dans le beau film « Des hommes et des Dieux » qui relate tout le processus qui conduit à cette décision, l’un des moines avoue à ses voisins musulmans : «  Nous sommes comme des oiseaux sur la branche, nous ne savons pas si nous devons partir ». Un de leurs voisins lui répond : « Les oiseaux c’est nous, la branche c’est vous. Si vous partez, on ne saura pas où se poser ». Demeurer auprès de ceux qui ont peur et sont menacés, c’est leur donner courage et espérance. C’est construire la paix. Rester auprès des sans-abris, des squatters, rester avec les parents de toxicomanes, auprès d’enfants en échec scolaire, rester auprès d’un malade, d’une personne qui vient de perdre son travail, rester est un signe que nous espérons en ce Dieu qui ne nous quittera jamais.

 

Partageons notre espérance partout où la vie nous conduit à nous croiser ou à travailler ensemble. Depuis le board room jusqu’au comptoir, la salle de classe ou le chantier, témoigner de l’espérance qui nous anime, c’est prendre des décisions courageuses, petites ou grandes, en faveur de la paix. Au bazar, à l’hôpital, au centre commercial, dans le bus, sur la plage ou dans d’autres lieux de détente, partout où nous sommes proches physiquement, profitons pour être aussi proches humainement. Proches par une attention bienveillante, une disponibilité à rendre de petits services, par un engagement concret à ne pas polluer, par une écoute et un peu d’empathie surtout envers ceux et celles qui restent un peu sur la marge. Ces petits gestes apparemment sans grande portée sont autant d’encouragements qui peuvent réveiller l’artisan de paix qui sommeille en chacun de nous.

 

Conclusion

 

Cette année, le diocèse de Port-Louis va célébrer le 80e anniversaire du monument de Marie, Reine de la Paix. Erigé par Mgr J. Leen, Evêque de Port- Louis, sur les pentes de la Montage des Signaux en pleine 2e  Guerre Mondiale, il se dressait comme une invitation à tous les Mauriciens à venir prier la Vierge Marie pour que la paix règne dans le monde et à l’île Maurice.

 

Aujourd’hui, 80 ans plus tard, dans un contexte historique très différent, cette invitation garde toute sa pertinence. C’est pourquoi je voudrais inviter les chrétiens, ainsi que tous les Mauriciens qui le désirent à venir en pèlerinage le 15 août prochain au monument de Marie, Reine de la Paix. Ensemble, nous prierons la Vierge Marie pour qu’elle intercède auprès de son Fils pour le peuple mauricien. Demandons-lui de faire de chacun de nous un artisan de la paix sociale dans notre pays.

 

Je vous invite aussi à apporter votre pierre à l’édifice de la paix. A la fin de chaque partie, des questions sont posées pour que vous partagiez votre vécu ou bien des initiatives dont vous avez été témoin et qui valent la peine d’être connues. Vous pourriez aussi faire des propositions réalistes, suggérer des moyens simples pour construire la paix dans notre Ile Maurice. Je vous invite à faire parvenir vos réponses à la Commission Diocésaine Justice et Paix[28].

 

La Vierge Marie a été profondément blessée par l’injustice et la violence qui ont déferlé sur Jésus et l’ont conduit au supplice de la croix. Et cependant, tout accablée qu’elle ait pu être par cette souffrance terrible, elle est restée debout au pied de la croix comme la figure de celle qui espère contre toute espérance.

 

Avec confiance, prions ensemble la Vierge Marie, notre mère à tous, et demandons-lui de bénir et de soutenir les efforts de tous les artisans de paix qui œuvrent souvent dans l’ombre à l’île Maurice. Qu’elle les aide à tenir debout comme elle dans l’espérance et qu’elle nous apprenne tous à « construire une fraternité soucieuse du bien commun ».

 

Fraternellement

 

Cardinal Maurice E. Piat

Evêque de Port-Louis

 

[1] Yan Arthus Bertrand dans le film Home

[2] Yan Arthus Bertrand dans le film Home

[3] L’économie Symbiotique, Isabelle Delannoy,Domaine du Possible page 26.

[4] Note : Household Budget Survey (1975 à 2017)

[5] Selon les critères du Household Budget Survey 2017, le seuil de la pauvreté situe une famille de 4 personnes à des revenus de Rs 17 657 par mois.

[6] Evangelii Gaudium No 59

[7] Par exemple lors des élections générales de 2019, à la circonscription N° 5 Pamplemousses/Triolet 3 élus représentent 21 705 votants alors qu’à la circonscription No 3, Port-Louis Maritime Est, 3 élus ne représentent que 7 314 votants. Par ailleurs, la Cité Kennedy à Quatre-Bornes vote avec la circonscription No 14 (Savanne/Rivière-Noire) alors que Palma vote avec la circonscription No 18, Belle-Rose/Quatre-Bornes

[8] Rezistans ek Alternativ

[9] Constatations adoptées par le Comité des Droits de l’Homme à sa 105e session, 9-27 juillet 2012.

[10] Affirmative Action

[11] Convention internationale sur toutes les formes de discrimination raciale, 19 septembre 2018. N° 12

[12] Cité dans l’Express du 3 février 2020

[13] Idem N°6

[14] Bernard Sik Yuen, ancien Chef Juge et Conseiller Juridique aux Nations Unies dans l’Express du 11 janvier 2020

[15] Mère Teresa, Discours pour le Prix Nobel, 11 décembre 1979.

[16] Ibid. 227

[17] Manifeste de Affirmative Action présenté aux partis politiques en novembre 2019

[18] Pape François, L’économie de Demain, Respectueuse de l’humanité et de l’environnement, 1e mai 2019

[19] Pape François, E.G. 223

[20] Discours du Pape François devant les autorités de l’Etat au Réduit – 9 septembre 2019

[21] Discours du Pape François devant les autorités de l’Etat au Réduit – 9 septembre 2019

[22] Grand Imam d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayyeb et Pape François, document sur la Fraternité Humaine

[23] Pape François, Message pour la Journée Mondiale de la Paix, 1er janvier 2020

[24] Pape François – Christus Vivit No. 123

[25] Pape François, Message pour la Journée Mondiale de la Paix, 1er janvier 2020

[26] Pape François, Message pour la Journée Mondiale de la Paix, 1er janvier 2020, No. 2

[27] Père Timothy Radcliff, Au bord du Mystère, p. 38

[28] Par mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. ou par voie postale : Commission Justice et Paix, Evêché de Port-Louis, Rue Mgr Gonin, Port-Louis.

 

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