Homélie du Cardinal Piat au 50e anniversaire d'ordination du Père Antoine Law

Le 24 septembre 1972, dans son homélie à l’ordination d’Antoine, Mgr Nagapen dit que l’arrivée de ce nouveau prêtre mauricien marque d’une pierre blanche le 250^e anniversaire de la présence de l’Eglise à Maurice.

Aujourd’hui, le 24 septembre 2022, le jubilé d’or d’Antoine apporte une note spéciale à ce grand chant d’action de grâces qui doit résonner pour le 300^e anniversaire de l’Eglise à Maurice. Voyons comment.

Antoine est le fils d’un migrant chinois qui arrive à Maurice au siècle dernier entre les 2 guerres mondiales. Son père tient boutique à Chemin Grenier et c’est là qu’Antoine grandit comme enfant. A un moment donné, ses parents envisagent de rentrer en Chine, comme c’était la coutume à l’époque, mais les perturbations liées à la 2^e guerre mondiale les empêchent de partir.

C’est ainsi qu’Antoine reçoit le baptême à 10 ans et entre au Collège St Mary’s. Là, il est frappé par le témoignage de service joyeux que donnent les frères des Ecoles Chrétiennes. Il s’engage dans la Légion des jeunes qui l’aide à grandir dans la foi, à entendre l’appel du Christ, et à décider de se faire prêtre.

C’est ainsi que ce fils d’un migrant chinois se met au service de l’Eglise et du peuple mauricien, et pendant 50 ans – un sixième de notre histoire – il y apportera une contribution originale et de qualité.

A l’occasion de la journée mondiale des migrants que nous célébrons demain, le Pape François nous invite à reconnaître et à apprécier ce que nos frères et sœurs migrants peuvent nous apporter dans la construction de notre avenir – l’avenir de notre pays, comme l’avenir de notre Eglise.

Je m’associe volontiers à tous ceux et celles qui saluent l’ampleur et la qualité de la contribution de la communauté chinoise au développement économique et humain de notre pays avant et après l’Indépendance.

Et aujourd’hui le jubilé sacerdotal d’Antoine me donne l’occasion de rendre grâce à Dieu pour l’apport considérable de la communauté chinoise à la vie et à la mission de l’Eglise.

Antoine est une belle illustration de cette contribution. Sa foi profonde va toujours droit à l’essentiel : par exemple, dans chaque paroisse où il est passé, il a toujours insisté à initier les fidèles à la lecture priante de la Parole de Dieu, la « Lectio Divina » en petite communauté – avec 2 questions simples

1. Qu’est-ce que Dieu me dit à travers ce passage ?
2. Qu’est-ce que je veux dire à Dieu après l’avoir écouté ?

Je suis témoin personnellement des fruits que cette simple pratique a portés dans des situations concrètes.

C’est qu’Antoine a fait une belle ronde dans les paroisses du diocèse : de Mahébourg à Rodrigues, de Rodrigues à Grand-Baie et Grand-Gaube, puis au centre à St-Patrick, puis à Ste-Hélène et enfin à Baie-du-Tombeau. Partout où Antoine est passé, il a eu le souci d’une organisation saine de la Communauté Paroissiale. Le texte qu’il a écrit sur les responsabilités des responsables des C.P.Q. fait autorité dans le diocèse.

Cette organisation saine n’est pas une manie, elle est fondée sur la conviction que le respect de la discipline, le respect de droit de chacun assure un ordre qui permet le développement humain et spirituel des paroissiens.

Antoine s’est aussi beaucoup intéressé à soutenir la Mission Chinoise et le Catéchuménat. Il a été aumônier de l’un et de l’autre à des périodes successives. Son expérience personnelle de jeune catéchumène chinois a été précieuse dans ces deux missions.

Antoine a aussi été pionnier dans la pastorale des divorcés-remariés qu’il accueillait fraternellement dans une atmosphère paisible qui faisait chaud au cœur.

En relisant ce parcours d’Antoine à l’occasion de son jubilé, je me rends compte de toute la valeur de la contribution des migrants dans la construction de notre avenir – celui du pays comme celui de l’Eglise.

En effet, comme nous le dit le Pape François ce week-end, « J’aime voir cette approche de la migration dans la vision prophétique d’Isaïe dans laquelle les étrangers n’apparaissent pas comme des envahisseurs mais comme des ouvriers volontaires qui reconstruisent les murs de la Nouvelle Jérusalem, la Jérusalem ouverte à tous les peuples. L’arrivée des étrangers est présentée comme une source d’enrichissement « Les trésors d’au-delà des mers affluent vers toi, vers toi viendront les richesses des nations » (Is 60).

Aujourd’hui encore beaucoup de nouveaux migrants arrivent à Maurice : des travailleurs du Bangladesh dans les boulangeries pâtisseries, les restaurants, les supermarchés, des infirmiers/ères de l’Inde dans nos hôpitaux, des étudiants d’Afrique dans nos universités, des ouvriers spécialisés de l’Inde et des Philippines, des businessmen de tous les continents.

Saurons-nous les accueillir et les traiter, non pas comme des envahissants, mais comme des frères et sœurs humains qui participent à la construction de notre avenir, saurons-nous reconnaître et respecter leur dignité, leurs talents, leur culture.

N’hésitons pas à les rencontrer, à les intégrer, à ne pas les laisser sur la marge de la société. Ne soyons pas comme cet homme riche qui fait des repas luxueux pendant que Lazare le pauvre croupit devant sa porte.

Conclusion

Ouvrons nos cœurs, ouvrons nos portes aux migrants d’aujourd’hui, cherchons à découvrir et à apprécier la valeur de leur travail.

En tout cas le bonheur qu’a été pour nous l’accueil d’Antoine dans le clergé depuis 50 ans, toutes les valeurs dont il a témoigné, tout l’exemple qu’il a été pour nous, ne peut que nous encourager à ouvrir nos yeux et à changer nos cœurs pour mieux accueillir les frères et les sœurs que le Seigneur nous envoie d’au-delà des mers.